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Cachez ce « mademoiselle » que je ne saurais voir 28 mai, 2012
Mademoiselle je suis…
Certes. Je comprends l’urgence extrême qu’il pouvait y avoir à rompre le joug infamant de cette appellation ô combien honteuse. Je comprends à quel point c’était primordial, que les femmes n’en pouvaient plus d’avoir le choix entre deux cases, sur les formulaires administratifs. Que cela passait loin avant le sujet des violences, du harcèlement, du plafond de verre, de l’écart salarial, de la représentation électorale…
Oui, il y avait péril en la demeure, à conserver cet odieux « mademoiselle ».
Hé, ho, les gens ! Non mais ça ne va pas bien, dans la tête de vous autres, ou bien ?
Franchement, que faut-il y voir, si ce n’est un certain ridicule, voire un ridicule certain ? Concrètement, où est la souffrance qu’engendre ce terme ? Est-on sûr et certain qu’il n’engendre que souffrance, d’ailleurs ?
Je sais que je suis un oiseau rare, pas la peine de me le signaler… Mais tout de même, pas au point, je pense, d’être la seule à ressentir de la fierté à arborer ce « mademoiselle », à reprendre les gens qui par erreur, du fait que j’ai plus de 25 ans, du fait que j’ai des enfants, m’appellent « madame », à préciser « je porte le nom de mon père, et j’en suis fière » ou encore « madame Goujon, c’est ma mère », pour ceux qui insistent.
Et si nous, membres de la mademoisellitude, nous nous regroupions, pour faire valoir que ce droit, parfois chèrement acquis, et auquel nous tenions, nous a été retiré ?
Et là, je vous vois venir… Certains pensent sans doute « chèrement acquis ? Pas difficile, suffit de ne pas réussir à se marier, et voilà ».
Non, voilà pas. On peut tenir à son « mademoiselle », parce qu’il signifie qu’on s’est battu pour retrouver sa liberté. Parce qu’on se dit qu’au bout du compte, il nous avait menti en parlant d’un mariage qui jamais n’a eu lieu, mais qu’au vu de la suite des événements, c’était un mal pour un bien. Parce que se revendiquer « mademoiselle » peut vouloir dire, tout bonnement, qu’on a échappé à l’ironie d’avoir perdu le nom de son père (ou de sa mère) pour en porter un autre dont notre parcours personnel et sentimental a fait par la suite qu’on en est venu à l’exécrer.
On peut, de la même façon, être fière d’avoir X années et de n’avoir jamais succombé (bon sang, ne m’en veuillez pas, les filles, mais rien que d’y penser, ça me fait froid dans le dos).
On peut être fière d’avoir eu « un bébé toute seule » comme le chante Jean-Jacques Goldman, et de s’en être sortie.
On a le droit de revendiquer cette fierté.
JE revendique cette fierté. Et si jamais la petite case « Mle » disparaît des formulaires, sur la vie des canards, je la rajouterai.
… Mademoiselle je reste.